Camille Lons est directrice adjointe du bureau de Paris du Conseil européen pour les relations internationales (ECFR) et chercheuse, spécialiste des pays du Golfe. Elle revient sur l’engagement diplomatique et économique de la Chine au Proche-Orient, sur le terrain de son grand rival américain. Camille Lons EUROPEAN COUNCIL ON FOREIGN RELATIONS En 2023, la réconciliation entre Riyad et Téhéran sous l’égide de Pékin avait symbolisé le poids pris par la Chine au Moyen-Orient. Mais, depuis le 7 octobre 2023, la Chine fait plutôt profil bas. Comment l’expliquez-vous ? La médiation que la Chine a menée entre l’Iran et l’Arabie saoudite a marqué un tournant. La Chine avait déjà proposé dans le passé d’être médiatrice dans le conflit israélo-palestinien mais sans être vraiment suivie. Cette fois, l’initiative est venue des pays de la région, notamment de l’Arabie saoudite qui y voyait un avantage politique vis-à-vis des Etats-Unis, tout en contraignant la Chine à rendre un peu plus de comptes sur sa relation avec l’Iran. Mais si, en public, les Chinois mettent en avant leur rôle de médiateurs, ils sont plus modestes en privé. Ils disent que Pékin n’a joué qu’un rôle de facilitateur. Par exemple, la Chine ne s’engage pas à contraindre l’Iran à quoi que ce soit en cas de conflit. Depuis le 7 octobre 2023, on revient aux bases de la diplomatie chinoise. La Chine a bâti de bonnes relations avec de nombreux pays de la région qui sont parfois dans des camps adverses. Elle n’a aucun intérêt à se mêler des différends entre ces pays. De plus, pour les Chinois, le conflit du Proche-Orient provient des erreurs des Occidentaux, notamment des Américains qui s’ingèrent trop dans la politique locale. Donc pourquoi reproduire cette erreur ? La crise du 7 octobre alimente le narratif de Pékin sur le déclin de l’Occident et sur le « deux poids, deux mesures ». La Chine a tout intérêt à laisser les Etats-Unis s’empêtrer dans cette guerre. Lire aussi l’analyse | Article réservé à nos abonnés Sur les fronts du Moyen-Orient, la Chine préfère rester en retrait Ajouter à vos sélections Ce conflit présente-t-il un intérêt pour la Chine ? Souvent on décrit la Chine comme un acteur pour lequel la stabilité dans cette région stratégique présente un intérêt. C’est vrai, mais elle a également intérêt à ce qu’il y ait un léger degré d’instabilité quand celle-ci a un coût énorme pour les pays occidentaux, notamment les Etats-Unis, et bien moindre pour elle. Mais cela reste une vision court-termiste et pas stratégique. Longtemps, les pays du Golfe ont fait figure de chasse gardée américaine. Ces dernières années, la Chine a essayé de contester ce leadership. Y est-elle parvenue ? Partiellement. Non pas en raison de la Chine elle-même mais davantage en raison des pays du Golfe, qui sont très dépendants des Etats-Unis pour leur sécurité. Ceux-ci ont commencé très tôt à s’adapter à un déclin de la puissance américaine dans la région et à la montée d’autres acteurs, notamment la Chine. Lors du lancement de l’initiative des « nouvelles routes de la soie », le Golfe ne constituait pas forcément une priorité pour la Chine, mais les pays de la région, soit parce qu’ils ont besoin d’infrastructures et de reconstruction, soit parce qu’ils préparent l’après-pétrole, ont vu la Chine comme un acteur-clé. Les Etats du Golfe ont clairement fait de la Chine une de leurs priorités diplomatiques, certains nommant même un envoyé spécial de très haut niveau chargé des relations avec Pékin, alors que les ambassadeurs chinois au Proche-Orient n’ont pas un tel niveau hiérarchique. Il vous reste 68.23% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Author : News7
Publish date : 2024-05-25 08:20:24
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