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Au Japon, une mentalité eugénique qui a la vie dure

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« La présente loi a pour objet d’éviter la naissance d’enfants défectueux (sic) d’un point de vue eugénique. » Soumis par le parlementaire et médecin Yasaburô Taniguchi, cette « loi sur la protection eugénique », promulguée en 1948, a été jugée inconstitutionnelle, mercredi 3 juillet, près de trois quarts de siècle plus tard, par la plus haute juridiction japonaise. Elle avait à l’époque pour objectif « d’empêcher la naissance d’une mauvaise descendance et d’agir en faveur de la protection de la maternité », explique Isabelle Konuma, professeure des universités à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), département des études japonaises.Entre 1948 et 1996, année de son abolition, plus de 25 000 personnes, essentiellement des femmes, ont subi des stérilisations forcées. La raison : elles souffraient pour la plupart d’une maladie ou d’un handicap considéré comme génétique. Parmi elles, 8 500 ont donné leur consentement après avoir été mises sous pression selon les avocats. La plus jeune victime avait 9 ans.Une loi contre « les maladies génétiques »La mentalité eugénique – soit les méthodes utilisées pour améliorer l’espèce humaine – reste cependant très forte au sein de la population japonaise. Rendu public en 2023 au Japon, un rapport de 1 400 pages, qualifié d’« effrayant » par la presse internationale à l’époque, révélait les dessous de cette loi. « La pire violation des droits de l’homme du Japon de l’après-guerre », avait alors réagi l’avocat Koji Niisato, président de l’Association des victimes de stérilisation forcée.« Ce n’était pas un régime mis en place contre les personnes en situation de handicap en particulier, mais contre les maladies génétiques », précise Isabelle Konuma. En plus des stérilisations forcées, la loi préconisait l’avortement, auquel plus de 60 000 femmes ont eu recours. Isabelle Konuma ajoute : « Une politique d’isolement forcé des lépreux a été aussi menée en parallèle de la loi eugénique. »À l’origine, cette politique eugénique « vient des États-Unis, puis s’est propagée dans les pays nordiques. Elle a aussi été mise en place par les nazis en 1933, ce n’est pas que japonais », souligne la chercheuse. Mais contrairement aux autres pays, la société japonaise a intériorisé cette vision. Des établissements spécialisés, appelés « colonies », ont vu le jour à partir de 1965 « pour isoler les personnes handicapées ».C’est à partir des années 1970 que des mouvements militants commencent à lutter contre cette politique, jusqu’à son interdiction en 1996. « La loi a été abolie à cause de la pression internationale à la suite du discours d’une militante japonaise lors d’une conférence de l’ONU », rappelle Anne-Lise Mithout, maîtresse de conférences en études japonaises à l’université Paris Cité.Une intériorisation des pensées eugéniquesDepuis, si le Japon a ratifié en 2014 la Convention internationale des droits des personnes handicapées (CIDPH), des experts ont fait part en 2022 de leur inquiétude concernant « la persistance d’attitudes eugéniques dans la société japonaise ».« Avec l’effet pervers de la loi, les familles cherchent à tout prix à cacher l’existence de cette personne pour ne pas entacher leur réputation », explique Isabelle Konuma.Autre signe d’un fort ancrage de la pensée eugénique au Japon, la terrible attaque au couteau de Sagamihara en 2016 dans un centre spécialisé pour les handicapés. « L’auteur de ce massacre avait écrit une lettre au ministère de la santé pour toucher une rémunération en échange de l’élimination de ces personnes handicapées », raconte Anne-Lise Mithout. Au total, 19 personnes handicapées avaient été tuées et 26 autres blessées lors de cette attaque.Depuis quelques années, le gouvernement japonais tente de sensibiliser et d’informer la population pour lutter contre les idées reçues. « Beaucoup de choses ont été faites dans les médias, notamment la création d’une émission spéciale sur la principale chaîne de télévision publique consacrée au handicap. »Les Jeux paralympiques de Tokyo en 2021 ont aussi permis une meilleure reconnaissance des handicapées. Pour Anne-Lise Mithout, « la compréhension a surtout évolué par rapport auhandicap visible, mais pour ce qui est du handicap psychique, il fait encore très peur ».

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Author : News7

Publish date : 2024-07-04 14:40:55

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